Hi-Gé

Programmes, liens, prolongements de formations, propositions de didactisations, compte-rendus, fiches, synthèses, débats permettant de faire le lien entre histoire et géographie universitaires et enseignées. Blog de mutualisation d'un historien-géographe, enseignant-formateur de professeurs des écoles, destiné aux étudiants, aux enseignants stagiaires et titulaires en formation.

Deux citations en exergue rappelant l'importance de nos disciplines en société : "Homère est nouveau ce matin, et rien n'est peut-être aussi vieux que le journal d'aujourd'hui" (Charles PEGUY) ; "Si tu veux de la vérité, apprends la géographie : c'est elle qui dicte les commencements" (Erik ORSENNA, Mali, ô Mali, Paris, Stock, 2014).

jeudi 31 mai 2018

Question d'oral géo : Quelle différence entre une carte, un plan et un croquis ?


Cartes et plans sont des représentations de l’espace, qui cherchent à rendre en deux dimensions une surface naturellement courbe, due à la forme sphérique de la Terre. Leurs points communs, c’est qu’ils ont été dressés selon une échelle, et en adoptant un certain nombre de figurés (choix graphiques). Certes, l’échelle choisie est plus grande pour un plan (au 1/500e par exemple) que pour une carte (au 1/50.000e). Certes, la carte peut paraître plus « scientifique » (les cartes IGN en France, qui suivent pour toutes les régions de France les mêmes codes) et le plan peut être vu comme un simple « dessin » de géomètre ou d’architecte. Mais il y a de réelles différences.

Alors qu’un plan offre la représentation d’un lieu (une ville, le quartier d’une ville, un bâtiment), la carte, elle, propose la représentation d’un espace. La toponymie est plus précise sur un plan (nom de rues, de places) que sur une carte. En revanche, sur une carte, les données topographiques (nature des sols, du couvert végétal, reliefs) et hydrographiques sont plus présentes. Les objectifs de réalisation et de lecture de ces deux types de documents obéissent aussi à des logiques différentes : le plan sert à se repérer et à s’orienter, la carte sert à se repérer, s'orienter et comprendre l’organisation d’un espace. Une carte représentant le monde entier porte le nom de « planisphère ».

Lorsque des élèves réalisent ou complètent un schéma d’organisation d’un espace (proche, productif, etc), on parlera de croquis. Le croquis n’est pas une représentation de l’espace, c’est un discours (sous forme graphique) sur l’organisation de l’espace étudié. C’est un outil de didacticien, et non le travail d’un cartographe ou de géomètre. En ce qui concerne la légende, elle est obligatoire pour lire une carte, essentielle pour comprendre un croquis, mais pas forcément présente pour accompagner la lecture d’un plan. Mais de manière générale, une bonne carte et un bon plan précisent toujours une orientation, une échelle et une légende pour guider la lecture et la compréhension du document.

Didactique : Quelle différence entre atelier et travail de groupe ?


L’atelier est un dispositif qui répartit des élèves en petits groupes (installés le plus souvent en ilots). Chaque atelier répond à des modalités de gestion de la classe et de mise en situation d’apprentissage.
Il existe plusieurs types d’ateliers, qui dépendent de l’encadrement qu’on leur donne, de la nature du travail proposé ou des modalités de participation :
- dirigés ou semi-dirigés (par l’enseignant) ;
- explicatifs (l’enseignant propose de la remédiation, de l’aide méthodologique, en APC par exemple) ;
- accompagnés (sous le contrôle de l’ASEM, de l’AVS, d’un intervenant extérieur) ;
- libres (les élèves, en libre inscription, choisissent de participer à un atelier plutôt qu’un autre, en présence d’un adulte mais sans consigne) ;
- autonomes (sans adulte, mais participation obligatoire à un atelier pour lequel des consignes claires ont été données).

N.B. : L'usage veut que les ASEM puissent se charger d'ateliers "semi-dirigés", conçus par l'enseignant et pour lequel ce dernier aurait donné des consignes aux élèves, avant de se consacrer à la conduite d'un atelier dirigé avec un autre groupe. Il peut être du rôle de l'ASEM d'encadrer le groupe, de rappeler la consigne, de faire reformuler ou d'apporter son aide à un élève en difficulté.

Chacun de ces types d’atelier a une plus-value didactique, et un atelier est donc bien plus qu’une organisation en petits groupes (sans objectif pédagogique précis).

Mais il ne faudrait pas confondre regroupement d’élèves et travail DE groupe. Le travail de groupe suppose de la coopération, un travail en « équipe » comme les nouveaux programmes de 2015 y invitent. Voir à ce sujet notre billet sur la pédagogie coopérative. Or, dans un atelier, chaque élève peut individuellement avoir une même tâche à accomplir (celle qui est assignée à chaque élève inscrit dans un atelier dirigé, semi-dirigé ou même autonome) : c'est le travail EN groupe.

L’atelier est toujours un lieu où on apprend ensemble de manière différenciée : plusieurs ateliers parallèles, appelés à être tournants ou échelonnés dans le temps, proposent des situations d’apprentissage différentes. Certains ateliers peuvent être des travaux de groupe, où la coopération naît et permet la poursuite de l’objectif (voir notre mise au point sur la différence entre « collaboration » et « coopération »). Mais tous les travaux de groupe ne sont forcément pas des ateliers : diviser la classe en 4 ou 5 groupes d’élèves en phase de recherche sur les mêmes documents ou sur des supports différents mais effectuant le même type de tâche complexe correspond à un travail de groupe, sans mise en place d’ateliers. 

Parler d’ateliers en maternelle et de travaux de groupes au cours élémentaire et au cours moyen est une facilité : cela se vérifie souvent dans les faits, mais ne permet pas systématiquement de décrire avec justesse les réalités de la pratique des enseignants. On peut proposer des travaux de groupe en maternelle (la même tâche effectuée parallèlement par plusieurs petits groupes au sein desquels les élèves coopèrent) et des ateliers (aux objectifs différents) au cours élémentaire et au cours moyen.

mercredi 30 mai 2018

Document authentique, document d'époque, source, témoignage historique ? Quel vocabulaire employer ?

Il convient, lorsqu'on évoque un document, de distinguer sa nature, son type et sa fonction :
- la nature d'un document permet de l'identifier : dire ce que c'est (texte, image, graphique, son, extrait vidéo), de l'associer à un auteur, une date ou un contexte de production.
- le type de document permet de dire qui l'a réalisé, de préciser son origine : s'agit-il d'une source (document authentique, trouvé aux archives ou par les archéologues, et présentée telle quelle), d'une source retravaillée par des spécialistes pour l'éditer/la présenter au public, d'une source retravaillée par des didacticiens (un texte expurgé d'éléments non retenus) ou d'un document réalisé aujourd'hui par des didacticiens pour évoquer une période du passé (une carte, un diagramme) à partir de données de la recherche ?
- la fonction du document permet de préciser l'usage que l'enseignant pense pouvoir en faire : document d'accroche, document outil pour répondre à un questionnement, où puiser des informations en phase de recherche, document de contextualisation ou de transposition. Dans tous les cas, un document ne peut pas être simplement illustratif ou exhibé en preuve par l'enseignant pour prouver aux élèves que ce qu'il vient de dire est vrai.

Dans ces conditions, on ne peut pas utiliser indifféremment tous ces mots. Une source est un document authentique, sans en préciser la nature. Un témoignage donne la nature du document, mais on ne sait pas d'emblée s'il s'agit d'un témoignage "d'époque" (dans ce cas, ce serait une source) ou le récit d'un témoin de fait divers aujourd'hui. Et ce qui fait son intérêt historique (ou non) procède d'un jugement de valeur à un instant précis, mais qui ne repose sur rien (un "témoignage" inintéressant au premier abord peut le devenir pour un historien qui travaille sur une problématique nouvelle et qu'on n'envisageait pas au départ). Il faut donc veiller à associer les bons mots aux bons adjectifs.

Question d'oral EMC : Quelle différence entre symbole, emblème et allégorie ?

Un symbole est un élément identifiable dans sa forme et/ou sa nature qui a le pouvoir d'évoquer spontanément dans un groupe donné (une nation, une communauté) quelque chose qui n'est pas immédiatement présent, une abstraction, une idée. C'est un geste ou un objet auquel une culture particulière attribue du sens. Dans le cas des symboles de la République française, ils renvoient certes à la France, mais aussi aux valeurs qui sont les siennes depuis la Révolution française (démocratie, Droits de l'Homme, liberté, égalité, justice).

Un emblème, en revanche, est un signe choisi pour identifier un groupe. On peut donc distinguer les deux : quand un élément renvoie à une idée, c'est un symbole. Quand il renvoie à un groupe, c'est un emblème. Ainsi, le drapeau français peut être les deux : symbole et emblème. Le drapeau corse, lorsqu'il est utilisé pour souligner l'identité d'un groupe, est un emblème. Mais lorsqu'il est utilisé dans des manifestations pour l'autonomie de l'île, il peut devenir un symbole (l'idée ici étant le désir d'une autonomie plus grande allant jusqu'à l'indépendance).


Marianne, figure allégorique de la France

L'allégorie, quant à elle, est un symbole qui repose sur une personnification, éventuellement accompagnée de plusieurs autres éléments symbolisant la même chose (la Justice les yeux bandés, avec une balance, pour souligner son impartialité). Les symboles et les emblèmes sont collectifs (partagés par tous), alors qu'une allégorie peut être plus personnelle.


Question d'oral EMC/histoire : Le coq fait-il partie des symboles de la France ?

Le coq ne fait pas partie de la liste des symboles officiels de la République française, établie par l'article 2 de la Constitution de 1958. Cet article stipule, après mention du français comme seule langue de la République que : 
- l'emblème national est le drapeau tricolore bleu-blanc-rouge ;
- La Marseillaise est l'hymne national ;
- "Liberté, égalité, fraternité" est la devise de la République.
Le 14 juillet, jour de la fête nationale, n'apparaît pas dans l'article 2 de la Constitution. C'est l'article (unique) de la loi du 6 juillet 1880 qui a institué à l'époque de la IIIe République ce jour férié.
Marianne coiffée du bonnet phrygien, figure allégorique de la République, n'apparaît pas non plus dans la Constitution, mais n'en est pas moins devenue un symbole républicain, dont le buste est placé dans toutes les mairies.

Si le coq ne fait en aucun cas partie de la liste des symboles de la République française, il peut pourtant, parfois, symboliser la France. Dans les compétitions sportives - notamment le rugby - le coq est un emblème très présent, censé renvoyer au passé gaulois.

Une exposition au MuséoParc Alésia à Alise-Sainte-Reine (lieu supposé de la bataille d'Alésia aujourd'hui dans le département de la Côte d'Or, en région Bourgogne-Franche Comté), qui se tient du 18 avril au 30 novembre 2018 revient sur ce symbole, qu'on croit vieux de 2000 ans.

En réalité, cette association d'idée est une construction du XIXe siècle (à l'âge où les nationalismes se structurent) : on pense que ce symbole est celui que les tribus gauloises avaient adopté, d'où le nom que leur donnèrent les Romains. En effet, "coq" se dit gallus, la Gaule se dit Gallia. Les archéologues ont cependant prouvé que le coq, originaire d'Orient, était peu présent en Gaule. Seules quelques traces de gallinacés offerts dans des banquets ont été retrouvées.

C'est surtout au Moyen Age que les ennemis de la France associèrent ses habitants à l'animal : il s'agissait alors de railler à la fois leur vanité et leur couardise, traits de caractère habituellement associés au coq.

A l'époque où le sentiment national des XVIIIe et XIXe siècle est en construction, le passé gaulois et la résistance de Vercingétorix aux Romains est redécouverte, et le symbole du coq gaulois est détourné à l'avantage des Français : il est mis en avant pour insister sur leur prestance et leur témérité. Le marketing sportif du XXIe siècle est l'héritier de cette fabrication du XIXe siècle.

lundi 28 mai 2018

Peut-on utiliser des caricatures pour enseigner la Révolution française en CM1 ?

En 2002, Annie Duprat sortait son livre sur l'histoire de la caricature d'Henri III (guerres de religions) à Louis XVI (la fin de l'Ancien Régime) intitulé Les rois de papier. Les deux derniers chapitres du thème "Le temps des rois" et les chapitres du thème "La Révolution française et l'Empire" pourraient donc techniquement être vus à partir de caricatures, dont le genre naît et se développe au XVIe siècle, et connaît son apogée sous la Révolution puis au XIXe siècle.

Le tiers état écrasé. Gravure anonyme de 1789, Musée Carnavalet, Paris.

Des enseignants stagiaires ont pu proposer cette caricature Le tiers état écrasé à leurs élèves de CM1, afin d'aborder les privilèges, l'inégale répartition des impôts et la société d'Ancien Régime. Ils ont constaté que pour beaucoup d'élèves, la lecture de cette scène se résumait à la collecte d'informations d'une scène de fait divers réellement survenu : un noble et un clerc ont écrasé un non-privilégié d'une grosse pierre et marchaient dessus. Cette lecture "premier degré" d'un document dont on ne questionne pas la valeur documentaire est normale pour tout élève exposé pour la première fois à ce type de document-source.

A la question "Peut-on utiliser des caricatures pour enseigner la Révolution française en CM1 ?", l'expérience semble indiquer que non, mais les documents d'accompagnement EDUSCOL précisent que :

"Des caricatures classiques montrant le tiers état portant sur son dos la noblesse et le clergé, puis la noblesse et le clergé portant sur leur dos le tiers état peuvent être utilisées pour montrer la manière dont les contemporains ont vécu le changement apporté par l'année 1789, et aborder avec les élèves la questions des causes sociales de la Révolution".

Pour que cela devienne possible, il faut avoir mené :
- des séquences précédentes qui ont déjà exposé les élèves à une ou des caricatures (en EMC, en géographie, en français, en histoire des arts).
- un travail sur la spécificité de ce genre est mené au sein du chapitre sur la Révolution française.

On pourrait alors également présenter celle de 1791, illustrant le "double-jeu" de Louis XVI, qui trahit ses promesses :

Le Roi Janus ou l'homme à deux visages, caricature anonyme, Musée Carnavalet, Paris.

Il conviendra alors de distinguer la technique employée pour réaliser cette oeuvre anonyme (la gravure) et l'analyse de son contenu (la caricature, son sujet, son message).


Un vocabulaire rigoureux et précis pour la conception de séances et les temps de consigne


Ne pas confondre ordonner, ranger et classer

Ordonner correspond à mettre de l’ordre là où il n’y en a pas, en respectant des positions relatives (compétence "ordonner des faits les uns par rapport aux autres"). 

Ranger, c’est mettre de l’ordre dans une suite, en respectant une consigne : du plus petit au plus grand, du plus ancien au plus récent, ou inversement. 

Enfin, classer, c’est répartir des éléments disparates mais qu’on peut regrouper dans une même famille, un ensemble avec une ou plusieurs caractéristiques partagées.

Ne pas confondre collaborer et coopérer

Collaborer implique la mise en relation de deux ou de plusieurs élèves qui échangent, planifient librement leur travail collectif, le réalisent au même endroit et de manière synchrone, de façon à ce que les élèves contribuent aux apprentissages du groupe, puis que le groupe favorise les apprentissages de tous. Mais il n’y a aucune répartition/parcellisation du travail.

La coopération implique l’entrée dans une situation d’apprentissage imposée par l’enseignant. Le travail est réparti entre équipes qui évoluent parallèlement ; et chaque travail contribue à une partie de l’œuvre collective. L’entrée dans l’activité et l’exploration des contenus sont guidées par le maître. Les travaux individuels ou en petits groupes d’élèves seront assemblés pour obtenir le travail final.

Pour aller plus loin, voir notre billet sur la pédagogie coopérative.

Carte mentale ou schéma heuristique

Des mots, des groupements de mots, des flèches pour signifier des liens de causalité... Une carte mentale peut être bâtie en guise de trace écrite pour remplacer le sacro-saint paragraphe. On parle de carte mentale ou de schéma heuristique. Mais parler de "cartographie mentale" ou de "carte heuristique" est impropre.