Hi-Gé

Programmes, liens, prolongements de formations, propositions de didactisations, compte-rendus, fiches, synthèses, débats permettant de faire le lien entre histoire et géographie universitaires et enseignées. Blog de mutualisation d'un historien-géographe, enseignant-formateur de professeurs des écoles, destiné aux étudiants, aux enseignants stagiaires et titulaires en formation.

Deux citations en exergue rappelant l'importance de nos disciplines en société : "Homère est nouveau ce matin, et rien n'est peut-être aussi vieux que le journal d'aujourd'hui" (Charles PEGUY) ; "Si tu veux de la vérité, apprends la géographie : c'est elle qui dicte les commencements" (Erik ORSENNA, Mali, ô Mali, Paris, Stock, 2014).

dimanche 16 décembre 2018

Sept façons d'enseigner : retour comparatif sur les démarches pédagogiques à choisir

Pour enseigner l'histoire-géographie-EMC... et pas que l'histoire-géo-EMC, il existe 7 chemins, démarches ou types de pédagogie, rangés ici dans l'ordre grandissant de l'intérêt et de la motivation qu'ils suscitent chez les élèves :

1. Le cours magistral
2. La maïeutique : le cours dialogué
3. La démarche inductive
4. La démarche hypothético-déductive
5. La séance socio-constructiviste
6. La pédagogie de projet
7. Les jeux de formation

Un tableau synoptique permet de définir chacune de ces démarches, de rappeler quelles postures elles donnent au maître et quel est le travail effectué par les élèves. Un bilan des avantages et des limites de chaque démarche (qui, dans une séance qui se déroule concrètement sur le terrain, n'est pas forcément "pure" ou exclusive) est également proposé : à télécharger ici.

vendredi 14 décembre 2018

Punition et sanction à l'école : quelles différences ?

Si "punition" et "sanction" sont parfois confondues dans le langage courant, les chercheurs en sciences de l'éducation et les professionnels n'emploient pas ces deux termes de manière indifférente.
Les deux mots sont proches, mais pas synonymes. Une punition doit toujours être adossée à une sanction. Voici une carte mentale permettant de comprendre pourquoi :


Ainsi, en classe, pas de punition sans sanction. En revanche, la sanction peut ne pas prendre la forme d'une punition.

lundi 10 décembre 2018

Combien de temps doit durer une séance ?

Lors du passage de l'oral d'option, il est attendu que les candidats fassent des propositions pédagogiques réalistes et adaptées aux stades du développement des enfants. Il n'y a pas de norme en la matière, mais simplement des recommandations. Les situations d'apprentissage ne doivent donc pas dépasser :

Pour le cycle 1 : de 15-20 minutes en Petite Section, 20-25 minutes en MS et 25-30 minutes maximum en GS (attention, il s'agit bien de temps maximum et non moyen).

Pour le cycle 2 : 30-35 minutes en CP, 35-40 minutes en CE1 et 40-45 minutes maximum en CE2. (attention, il s'agit bien de temps maximum et non moyen).

Pour le cycle 3 : de 45 à 50 minutes en CM1-CM2 (pour mémoire, un cours de 6e, au collège, dure 55 minutes). (attention, il s'agit bien de temps maximum et non moyen).

Si votre proposition de séquence d'oral d'option contient des séances qui s'éloignent de cet ordre de grandeur temporel, il faudra absolument parvenir à le justifier (matériel à mettre en place, sortie, etc).

samedi 8 décembre 2018

Questions posées après un oral d'option histoire au CRPE sur l'âge industriel (CM2)

L'âge industriel, oral d'option histoire au CRPE, session 2018 :

Partie scientifique :

Qu'est-ce que le métier d'historien ? Réponse publiée dans un précédent billet.

Vous parlez de la mine et du charbon. Mais au XIXe siècle en France et plus spécifiquement dans notre région; n'y a-t-il que des mines de charbon ? Quelles sont les autres produits de l'extraction minière ?

Quel autre nom porte le charbon ?

Qu'est-ce que la proto-industrialisation ?

Y a-t-il une rupture brutale entre "avant" le XIXe siècle et le XIXe siècle ?

Pourquoi la machine à vapeur était-elle utilisée ?

Quels sont les dangers liés au travail de la mine ?

Quelles maladies sont liées à l'activité du mineur ?

Pouvez-vous nous parler de l'arrivée de travailleurs étrangers embauchés sur certains sites d'exploitation ? La coexistence de travailleurs français et italiens ou polonais se passait-elle bien ?

Tous les documents de votre dossier ne sont pas référencés. Quelles sont vous sources ?

Qu'est-ce qu'une source en histoire ?

Partie didactique :

Vous emmenez vos enfants au musée tout en les mettant en activité. Mais quelle autre solution auriez-vous pu développer pour travailler ce thème ?

Comment comptez-vous mettre en place vos travaux de/en groupe ? Quelles consignes donnez-vous pour mettre en place cette modalité de travail ? Réponse concernant les modalités du travail en groupe dans un précédent billet.

Votre trace écrite comporte des erreurs de syntaxe. Quelle est la différence entre langage oral et langage écrit ?

Quelles sont les différentes formes de traces écrites que l'on peut proposer ?

A l'écrit, où et comment se fait la césure d'un mot en fin de ligne ?

En quoi consistera votre évaluation ?

Vous réservez deux points de votre évaluation au soin et à l'orthographe. En quoi cela concerne-t-il l'histoire ?

En ce qui concerne le charbon, que s'est-il passé après la Seconde Guerre mondiale entre la France et l'Allemagne ?

L'approche par compétences en histoire-géographie

Alors que d'autres disciplines (SVT par exemple) pratiquent depuis longtemps une réelle approche par compétences, l'histoire-géographie est longtemps restée dépendante d'une approche par contenus, n'effectuant, après les choix didactiques et de contenus, qu'un saupoudrage de compétences.

Les nouveaux programmes de 2016 invitent à renverser la logique, et à se poser d'abord la question des compétences travaillées par les élèves, en lien avec les cinq grands domaines du socle commun de compétences et de culture, puis la question des problématiques et des contenus disciplinaires.

Voici un grand tableau synoptique permettant, en un seul coup d'oeil, de voir quelles compétences doivent être travaillées aux cycles 1, 2, 3 et 4 en lien avec l'histoire-géographie, d'après les programmes et les documents d'accompagnement, en toute progressivité.


Un prochain billet proposera la même grille de compétences à travailler en EMC.

Shoah, holocauste, « Solution finale », génocide juif : quel vocabulaire utiliser en cycle 3 ? Existe-t-il un terme adéquat pour nommer l’horreur ?


L’extermination des juifs d’Europe programmée par les nazis a conduit de 5 à 6 millions de juifs à la mort : deux tiers de la population juive en Europe sont victimes de cette politique lors de la Seconde Guerre mondiale, selon le bilan chiffré suivant :


Le pays le plus durement touché est la Pologne, avec 3 millions de juifs morts pendant la Seconde Guerre mondiale. En Europe occidentale, 210.000 juifs périrent. Pour la France seule, sur 330.000 juifs présents sur le territoire en 1939, 75.000 (dont 11.000 enfants) ont été déportés en 74 convois, et pour 90 % d’entre eux à destination d’Auschwitz-Birkenau. Seuls 2566 survivants reviennent à la Libération. Dans 85 % des cas, c’est la police française qui avait procédé aux arrestations et aux rafles de juifs, dont 55.000 sur 75.000 étaient des étrangers résidant en France (26.000 Polonais, 7000 Allemands, 4500 Russes, 3300 Roumains…). 90 % des juifs de nationalité française ont pu échapper au génocide (mais seulement 60 % des juifs étrangers).

« Holocauste » n’est pas un mot hébreu, mais provient du grec ancien : il signifie « sacrifice entièrement consumé », pratiqué dans l’Antiquité pour s’attirer les faveurs des dieux. Il est utilisé pour désigner le massacre des juifs dans les camps d’extermination, surtout dans le monde anglo-saxon après la diffusion du téléfilm américain Holocaust en 1978, racontant l’histoire de deux familles de Berlin, l’une nazie et l’autre juive. Mais dans la tradition juive, le mot renvoie à un sacrifice offert volontairement sur l’autel du Temple de Jérusalem pour être agréable à Dieu. Pour éviter la confusion et la connotation religieuse, on lui préfère le terme de Shoah en France.

Shoah, qui signifie « catastrophe », « cataclysme », « anéantissement » ou « désolation » en hébreu, est utilisé pour désigner la mort de 5 à 6 millions de juifs. Ce terme s’est imposé dans le monde francophone après la sortie du film documentaire du même nom, de Claude Lanzmann, en 1985. Elle renvoie à la déportation vers les camps de la mort, le gazage et la crémation. Tous les juifs ne sont cependant pas morts dans des camps, mais aussi par les violences infligées à des populations civiles par des Einsatzgruppen, des unités mobiles qui sillonnaient l’Europe de l’Est pour fusiller le plus souvent tous les habitants d’un village ou d’une ville. C’est ce que les historiens ont appelé la « Shoah par balles ». Pour qualifier l'action des Einsatzgruppen, on parle aujourd'hui d'"exécutions de masse".


L'avancée des Einsatzgruppen, responsables de la "Shoah par balles"


« La Solution finale », sous-entendu « à la question juive » est l’expression utilisée par les nazis : en allemand Endlösung der Judenfrage. C’est le projet du IIIe Reich pour l’extermination industrielle des juifs d’Europe dans les camps de la mort, programmée par les chefs nazis en janvier 1942 au moment de la conférence de Wannsee. Cette expression est donc liée à l’idéologie nazie. Longtemps désignés comme des "camps d'extermination" par les historiens (pour les distinguer des camps de concentration, où les opposants au régime sont détenus, avec un taux de mortalité plus faible), les camps comme Auschwitz-Birkenau ou Treblinka où juifs et Tziganes ont été exterminés portent aujourd'hui le nom de "centres de mise à mort" (certains manuels rajoutent "industrielle").

En 1945-1946, le tribunal de Nuremberg qualifie juridiquement les crimes des nazis en utilisant le terme de "génocide" (utilisé pour la première fois par Raphael Lemkin en 1944 pour parler de l’extermination des juifs d’Europe) afin de désigner les crimes commis dans l’intention d’éliminer toute une population (un groupe national, ethnique ou religieux). L’incrimination de « crime contre l’humanité » est créée en 1945 à cette occasion. A ce jour, trois génocides, systématiques et programmés, sont reconnus par l’ensemble des historiens et spécialistes du droit international : le génocide arménien en 1915, la Shoah lors de la Seconde Guerre mondiale et le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.

Ces trois termes sont difficiles à comprendre et à manier pour des enfants. Le titre donné par l’historien Raul Hilberg à son livre sur le sujet traduit en français en 1988 est peut-être plus adéquat : La destruction des juifs d’Europe. Pour les enfants de CM2, il est possible d’utiliser l’expression « extermination des personnes de religion juive pendant la Seconde Guerre mondiale ». Les programmes et les documents d’accompagnement EDUSCOL recommandent de traiter cette entrée via des témoignages d’enfants, des histoires familiales ou locales et régionales, afin d’éviter d’exposer les élèves à des images trop dures, tout en leur permettant de comprendre.

Les nazis ont aussi, il ne faut pas l’oublier, cherché à exterminer les Tziganes : entre 200 et 240.000 victimes, soit un tiers de la population tzigane de 1939, est victime de cette politique d’extermination pendant la Seconde Guerre mondiale.

Remarque importante : il ne faudrait pas mettre de majuscule à "juif" si l'on désigne toute personne de religion juive (un juif, comme un catholique ou un bouddhiste). La majuscule renvoie à l'appartenance à un groupe national qui n'est pas d'actualité avant 1948. L'utiliser pour 1939-1945 peut donc induire en erreur, car les juifs exterminés étaient le plus souvent des Allemands juifs, des Français juifs, des Polonais juifs... Seuls les noms de peuples doivent prendre des majuscules.

jeudi 6 décembre 2018

Quand la monarchie absolue apparaît-elle en France ?

La question de l'absolutisme n'est plus au coeur des programmes d'histoire de cycle 3, comme elle n'est plus au coeur des problématiques des historiens, qui considèrent que la France du XVIIe siècle est en réalité une monarchie plus "composite" qu'absolue : un roi, pour régner, s'accommode en réalité des traditions locales et des structures légales existantes, même s'il prétend, dans le discours, que son pouvoir est absolu, c'est-à-dire sans limites.

Le roi, quelle que soit la période, est tenu de respecter les lois fondamentales du Royaume : il ne peut pas disposer de la couronne (l'abdication n'est pas possible), ne peut pas vendre une partie de son royaume (l'inaliénabilité du domaine de la couronne), et la succession de la couronne s'impose à lui par ordre de primogéniture masculine (il ne peut pas changer l'ordre de succession et/ou déclarer ses bâtards aptes à lui succéder). C'est ainsi que Louis XIV a essayé de faire entrer son fils naturel, le duc du Maine, dans certains conseils du gouvernement de la Régence de son arrière-petit-fils, mais le testament de Louis XIV a immédiatement été cassé par le Parlement après sa mort.

François de Troy - Le duc du Maine (vers 1690)
Le duc du Maine, fils naturel de Louis XIV et de la marquise de Montespan, que le roi, qui avait perdu son fils et ses petits-fils en 1711, aurait aimé voir monter sur le trône à sa mort en 1715. Il le fait entrer dans divers conseils, mais le Régent, s'occupant des affaires du Royaume pendant la minorité du jeune Louis XV, et le Parlement parviennent rapidement à le marginaliser. Même Louis XIV n'a donc pas pu imposer ses volontés : le pouvoir du roi, aussi absolu soit-il, a toujours des limites.

De plus, le roi est considéré comme le lieutenant de Dieu sur terre. Il tient sa légitimité de Dieu, et les décisions royales doivent être en conformité avec l'ordre divin. Ne pouvant déchiffrer seul l'ordre voulu par Dieu, il s'entoure de conseillers qui l'aident dans cette tâche.

Les programmes de CM1 invitent à présenter aux élèves les évolutions du pouvoir royal en France au travers de quatre figures : Louis IX, François 1er, Henri IV et Louis XIV. A partir desquels peut-on remarquer une conception absolutiste du pouvoir royal ?

Arlette Jouanna, dans un article paru dans la revue L'Histoire, répond à cette question en 2015. L'historienne explique que François 1er a souvent été présenté comme précurseur de l'absolutisme. A tort ou à raison ?

Jean Clouet - François 1er (vers 1530, musée du Louvre)

François 1er a été un roi autoritaire, ce qui ne veut pas forcément dire absolu. Il lui arrive de passer outre les délibérations et le consentement des parlements, des cours de finances et des états provinciaux réunissant des représentants du clergé, de la noblesse et du tiers état du royaume pour valider les impôts demandés par le roi. Ainsi, en 1527, après son retour de captivité (le roi a perdu la bataille de Pavie en 1525 et a été emprisonné à Madrid jusqu'en 1526), il demande au Parlement de ne plus se mêler de politique. C'est souvent l'urgence qui lui fait imposer ses volontés aux diverses assemblées.

C'est à l'époque de François 1er que l'appareil d'Etat est renforcé : le roi tient son conseil dans des formations restreintes (un conseil étroit ou secret), et que des trésoriers et grands commis d'Etat occupent des responsabilités importantes, jusqu'à devenir en 1558 des secrétaires d'Etat. Sur le territoire, le nombre d'officiers royaux triple sous les règnes de François 1er et son fils Henri II.

Mais, à l'époque de François 1er, les manifestations d'autoritarisme du roi sont présentées comme exceptionnelles et dictées par les nécessités d'un contexte difficile. Les auteurs et juristes du XVIe siècle écrivent que la monarchie absolue, qui ne reposerait que sur la seule volonté du roi, serait une tyrannie. En revanche, à l'époque de Louis XIV, la conception absolue de la monarchie est considérée comme normale. Comment a-t-on pu en arriver là ?

- quarante ans de guerres de religion, dont la seule issue a été le soutien d'un pouvoir royal de plus en plus absolu, seul capable de ramener les grands du royaume à la raison ;
- l'oeuvre de Richelieu, principal ministre de Louis XIII, dont la politique vise à diminuer le pouvoir des grands et du parti protestant qui avait des garanties depuis l'édit de Nantes ;
- les textes de juristes qui présentent à l'époque de Louis XIII et de Richelieu la monarchie absolue comme une norme ;
- ceux qui encensent Louis XIV après la reprise en main du pouvoir en 1653, après cinq années de troubles (la Fronde), qui se soldent par une soumission de la noblesse au Roi-Soleil.

Louis XIV en Apollon, dansant en costume de soleil au Ballet de la Nuit (1653). Cette danse a pour objectif de démontrer sa puissance, à laquelle se soumettent tous les autres "astres" qui tournent autour de lui. L'idée seule laquelle seule compte la volonté du roi est devenue acceptable et acceptée par tous après la Fronde.

mercredi 5 décembre 2018

Nouvelle annexe aux programmes d'EMC, en vigueur dès la rentrée 2018

Les programmes d'EMC ont été réajustés à l'été 2018. Le Ministère a mis en ligne un programme simplifié, et avec davantage de repères de progressivité et de précisions de contenu et d'attendus par cycles, publiés dans un document "annexe", qui s'ajoute aux programmes de 2015. 

Trois finalités sont attribuées à cet enseignement :
- Respecter autrui ;
-  Acquérir et partager les valeurs de la République ;
-  Construire une culture civique (qui repose sur les 4 grands domaines du programme de 2015 : la sensibilité, la règle et le droit, le jugement, l’engagement).