Hi-Gé

Programmes, liens, prolongements de formations, propositions de didactisations, compte-rendus, fiches, synthèses, débats permettant de faire le lien entre histoire et géographie universitaires et enseignées. Blog de mutualisation d'un historien-géographe, enseignant-formateur de professeurs des écoles, destiné aux étudiants, aux enseignants stagiaires et titulaires en formation.

Deux citations en exergue rappelant l'importance de nos disciplines en société : "Homère est nouveau ce matin, et rien n'est peut-être aussi vieux que le journal d'aujourd'hui" (Charles PEGUY) ; "Si tu veux de la vérité, apprends la géographie : c'est elle qui dicte les commencements" (Erik ORSENNA, Mali, ô Mali, Paris, Stock, 2014).

jeudi 6 décembre 2018

Quand la monarchie absolue apparaît-elle en France ?

La question de l'absolutisme n'est plus au coeur des programmes d'histoire de cycle 3, comme elle n'est plus au coeur des problématiques des historiens, qui considèrent que la France du XVIIe siècle est en réalité une monarchie plus "composite" qu'absolue : un roi, pour régner, s'accommode en réalité des traditions locales et des structures légales existantes, même s'il prétend, dans le discours, que son pouvoir est absolu, c'est-à-dire sans limites.

Le roi, quelle que soit la période, est tenu de respecter les lois fondamentales du Royaume : il ne peut pas disposer de la couronne (l'abdication n'est pas possible), ne peut pas vendre une partie de son royaume (l'inaliénabilité du domaine de la couronne), et la succession de la couronne s'impose à lui par ordre de primogéniture masculine (il ne peut pas changer l'ordre de succession et/ou déclarer ses bâtards aptes à lui succéder). C'est ainsi que Louis XIV a essayé de faire entrer son fils naturel, le duc du Maine, dans certains conseils du gouvernement de la Régence de son arrière-petit-fils, mais le testament de Louis XIV a immédiatement été cassé par le Parlement après sa mort.

François de Troy - Le duc du Maine (vers 1690)
Le duc du Maine, fils naturel de Louis XIV et de la marquise de Montespan, que le roi, qui avait perdu son fils et ses petits-fils en 1711, aurait aimé voir monter sur le trône à sa mort en 1715. Il le fait entrer dans divers conseils, mais le Régent, s'occupant des affaires du Royaume pendant la minorité du jeune Louis XV, et le Parlement parviennent rapidement à le marginaliser. Même Louis XIV n'a donc pas pu imposer ses volontés : le pouvoir du roi, aussi absolu soit-il, a toujours des limites.

De plus, le roi est considéré comme le lieutenant de Dieu sur terre. Il tient sa légitimité de Dieu, et les décisions royales doivent être en conformité avec l'ordre divin. Ne pouvant déchiffrer seul l'ordre voulu par Dieu, il s'entoure de conseillers qui l'aident dans cette tâche.

Les programmes de CM1 invitent à présenter aux élèves les évolutions du pouvoir royal en France au travers de quatre figures : Louis IX, François 1er, Henri IV et Louis XIV. A partir desquels peut-on remarquer une conception absolutiste du pouvoir royal ?

Arlette Jouanna, dans un article paru dans la revue L'Histoire, répond à cette question en 2015. L'historienne explique que François 1er a souvent été présenté comme précurseur de l'absolutisme. A tort ou à raison ?

Jean Clouet - François 1er (vers 1530, musée du Louvre)

François 1er a été un roi autoritaire, ce qui ne veut pas forcément dire absolu. Il lui arrive de passer outre les délibérations et le consentement des parlements, des cours de finances et des états provinciaux réunissant des représentants du clergé, de la noblesse et du tiers état du royaume pour valider les impôts demandés par le roi. Ainsi, en 1527, après son retour de captivité (le roi a perdu la bataille de Pavie en 1525 et a été emprisonné à Madrid jusqu'en 1526), il demande au Parlement de ne plus se mêler de politique. C'est souvent l'urgence qui lui fait imposer ses volontés aux diverses assemblées.

C'est à l'époque de François 1er que l'appareil d'Etat est renforcé : le roi tient son conseil dans des formations restreintes (un conseil étroit ou secret), et que des trésoriers et grands commis d'Etat occupent des responsabilités importantes, jusqu'à devenir en 1558 des secrétaires d'Etat. Sur le territoire, le nombre d'officiers royaux triple sous les règnes de François 1er et son fils Henri II.

Mais, à l'époque de François 1er, les manifestations d'autoritarisme du roi sont présentées comme exceptionnelles et dictées par les nécessités d'un contexte difficile. Les auteurs et juristes du XVIe siècle écrivent que la monarchie absolue, qui ne reposerait que sur la seule volonté du roi, serait une tyrannie. En revanche, à l'époque de Louis XIV, la conception absolue de la monarchie est considérée comme normale. Comment a-t-on pu en arriver là ?

- quarante ans de guerres de religion, dont la seule issue a été le soutien d'un pouvoir royal de plus en plus absolu, seul capable de ramener les grands du royaume à la raison ;
- l'oeuvre de Richelieu, principal ministre de Louis XIII, dont la politique vise à diminuer le pouvoir des grands et du parti protestant qui avait des garanties depuis l'édit de Nantes ;
- les textes de juristes qui présentent à l'époque de Louis XIII et de Richelieu la monarchie absolue comme une norme ;
- ceux qui encensent Louis XIV après la reprise en main du pouvoir en 1653, après cinq années de troubles (la Fronde), qui se soldent par une soumission de la noblesse au Roi-Soleil.

Louis XIV en Apollon, dansant en costume de soleil au Ballet de la Nuit (1653). Cette danse a pour objectif de démontrer sa puissance, à laquelle se soumettent tous les autres "astres" qui tournent autour de lui. L'idée seule laquelle seule compte la volonté du roi est devenue acceptable et acceptée par tous après la Fronde.

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